Ce titre n'est pas pour nous un simple à-peu-près dépourvu de signification.
Nous avons voulu, en effet, en appliquant ses excellents principes à la langue populaire et à l'argot, rendre un joyeux hommage à cette Méthode « Assimil » d'A. Chérel qui est aussi drôle qu'ingénieuse et qui donne dans l'étude des langues vivantes de si remarquables résultats.
Au rebours de l'enseignement traditionnel, tel qu'il se pratique encore trop souvent dans les lycées, la Méthode « Assimil » n'estime pas nécessaire d'ennuyer pour enseigner. Elle n'exige pas du malheureux débutant une imposible correction et vous affime, au contraire, que « c'est en faisant des fautes que vous apprendrez à vous en corriger ». Elle suit la ligne de moindre résistance, rassure et réconforte au lieu de décourager. Répétant et récapitulant sans cesse, elle vous aide « à frayer le sentier » et vous enseigne à rouler sans peine « la grosse boule de neige ».
Après « l'anglais sans peine », ou « le russe sans peine », ou même « le latin sans peine » ( * ), nous avons voulu qu'il existât un livre pour apprendre « l'argot sans peine » : le besoin d'un tel ouvrage se faisait cruellement sentir.
Nous avons pensé, en effet, non seulement aux étrangers à qui on n'a appris dans les collèges et les universités de leur pays qu'un français académique et conventionnel, mais aussi à tous les Français trop bien élevés qu'une éducation étouffante a émasculés en leur enseignant un langage artificiel, moins châtié sans doute que châtré. Nous croyons rendre service à ces infirmes en leur donnant la possibilité de vivre ailleurs que dans leurs livres ou que dans l'atmosphère méphitique d'un milieu confiné, et en leur fournissant le moyen de faire vaillamement face aux situations galantes les plus usuelles ( * ).
Ce que nous leur donnons à connaître, ce n'est pas le français des académiciens ni celui des rapports de gendarmes, c'est la langue de « la masse parlante, haletante et gesticulante » ( * ), le parler véritable de Paris et des grandes villes françaises.
Puissent nos « étudiants » prendre à la « Méthode à Mimile » autant de plaisir que nous en avons eu nous-même en étudiant la « Méthode Assimil », et s'apercevoir pourtant, quand ils seront arrivés à la fin de l'ouvrage, non seulement qu'ils parlent le français réel avec autant d'aisance qu'un gavroche de Belleville, mais encore qu'ils entravent et dévident le jars comme un vrai malfrat qui vient de s'arracher du ballon après dix piges de centrouse à Vauclair !( * ).
Dédicace
A Raymond QENEAU, orfèvre. En réalité, le vrai français, c'est le français populaire. Et le français littéraire ne serait plus aujourd'hui, à ce point de vue, qu'une langue artificielle, une langue de mandarins, une sorte d'argot... Henri BAUCHE,« Le langage populaire ». Editions Payot et Cie, Paris 1920.